Alessandro MAGNASCO, "Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes" et "Embarquement des galériens dans le port de Gênes"

(Gênes, 1667 – id., 1749)

Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes

et

Embarquement des galériens dans le port de Gênes


Huile sur toile.
Hauteur 116 cm. Largeur 143 cm. (chacune)
Historique : Achat de la Ville, 1961.

Ce ne fut qu’en 1962 que l’historienne de l’art Sylvie Béguin attribua ces deux toiles à Alessandro Magnasco. En revanche, la provenance reste indéterminée.
Magnasco traite deux moments successifs de l’incarcération des galériens au bagne de Gênes. Le premier tableau représente l’arrivée des prisonniers, enchaînés et traînés par les gardes à cheval, afin de subir un interrogatoire dans la cour du bagne. Au centre, un homme condamné au supplice de l’estrapade - l’accusé est suspendu à une corde - permet au  greffier attablé de recueillir ses aveux. Au fond du tableau, d’autres prisonniers arrivent sous le regard de badauds penchés à une balustrade. Le deuxième tableau illustre le moment où les prisonniers sont rasés et  marqués au fer rouge avant d’être embarqués sur les galères. Le haut phare (du Capo di Faro) situe sans conteste la scène dans le port de Gênes.
Rarement représenté, ce drame intemporel de l’homme humilié, supplicié et asservi puise son inspiration dans la vie quotidienne génoise. Il constitue aussi un rappel des Grandes misères de la guerre, (1633) une série de 18 eaux-fortes de Jacques Callot (1592-1635). Magnasco a pu les étudier à Florence entre 1703 et 1711 et s’en inspire notamment pour la scène de l’estrapade.
Le thème carcéral des deux peintures participait alors d’une réflexion  sur la justice lombarde, à laquelle le peintre fut très tôt sensible (Interrogatoire, Vienne) et dont les figures marquantes furent Bartolomeo Melchiori et Cesare Beccaria, auteurs du Traité des tourments (1751) et Des délits et des peines (1764).
Dans le premier tableau, les horizontales (balustrades, alignement des prisonniers) et les verticales (colonnes) construisent l’espace de la prison. Dans le second, ce sont les lignes obliques qui dominent (colline, vergues des bateaux, des rames). Si la composition centrale des deux œuvres est triangulaire, des oppositions sont cependant visibles dans la construction (un lieu fermé, solide et statique contre un lieu ouvert, liquide et dynamique) et dans les couleurs (les bruns, les gris rehaussés de rose, de bleu et de jaune contre la dominante de bleu-vert). S’affranchissant des proportions, l’artiste représente les bourreaux avec de toutes petites têtes sur des corps immenses.
Il semblerait que ces deux tableaux furent peints entre 1740-1749 lorsque Alessandro Magnasco vivait à Gênes. La rareté du thème dans la peinture du 18ème siècle et le traitement de la lumière et de la couleur par l’artiste en font des œuvres remarquables.

 

Image de "Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes" et "Embarquement des galériens dans le port de Gênes"© Musée des Beaux-Arts-mairie de Bordeaux. Cliché L. Gauthier

"Arrivée et interrogatoire des galériens dans la prison de Gênes" et "Embarquement des galériens dans le port de Gênes"© Musée des Beaux-Arts-mairie de Bordeaux. Cliché L. Gauthier