Historia de las colecciones del museo

Para Guillaume Ambroise, conservador y director del museo de 2010 hasta 2012.

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Fondation du musée

Ainsi que pour la plupart des grands musées régionaux, il est légitime de retenir l’arrêté  Chaptal en date du 14 fructidor de l’an IX (1er septembre 1801) comme acte de fondation du musée des Beaux-Arts de Bordeaux. En effet, le rapport présenté par le ministre, prévoyait l’envoi, dans les quinze villes retenues, d’un lot d’œuvres suffisamment important pour justifier la création d’un musée. La situation bordelaise, après les événements révolutionnaires, ne différaient sans doute guère de celle des autres grandes villes du Consulat à la différence près qu’un nombre très limité d’œuvres avait pu être sauvé et rassemblé au dépôt de l’ancien couvent des Feuillants.
 

Pierre Lacour et son fils, peintres et premiers conservateurs du musée

Pierre Lacour (1745-1814), peintre néo-classique passé par l’atelier de Jean-Marie Vien (1716-1809), gérait ce dépôt avec une rigueur et une probité exemplaires. Cependant, lorsque les envois de l’Etat arrivèrent en 1803, puis en 1805, totalisant en tout quarante quatre œuvres, Pierre Lacour ne put compléter cet ensemble que par huit tableaux et deux sculptures[1], seuls rescapés des confiscations révolutionnaires. C’est dire si l’arrivée spectaculaire des toiles envoyées par le Muséum central des Arts devait jouer un rôle essentiel dans l’essor du musée bordelais.
Plusieurs chefs-d’œuvre [2]et non des moindres, figuraient dans ce double envoi et représentent aujourd’hui, plus que jamais, le socle de nos collections de peinture européenne des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
 
Nommé conservateur, Pierre Lacour s’activa à faciliter l’ouverture du premier musée qui prit place à la fin de l’année 1810 dans l’ancien hôtel de Jean-Jacques Bel sis sur les allées de Tourny. Ce bel édifice, ancien siège de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres et Arts, remanié et adapté par l’architecte Richard-François Bonfin (1730- 1814), regroupait également l’école de dessin, la bibliothèque, un cabinet d’antiques et un observatoire. Cette ouverture coïncida avec l’entrée du premier don important [3], consenti par François-Lucie Doucet, orfèvre parisien dont Pierre Lacour avait su gagner l’amitié.
 
A la mort de Lacour en 1814, son fils, prénommé également Pierre (1778-1859), lui succéda et assura avec une efficacité et un zèle dignes d’éloges, le développement du musée. On lui doit notamment les premiers travaux scientifiques sur le musée et, en particulier, la publication en 1855 en collaboration avec Jules Delpit d’un catalogue des collections très complet [4].
 

Le musée sous la Restauration

L’avènement de la Restauration favorisa le rayonnement du musée par des envois réguliers. L’Embarquement de la duchesse d’Angoulême à Pauillac peint par le baron Gros demeure aujourd’hui encore le vibrant témoignage de la sollicitude de Louis XVIII pour la Ville de Bordeaux que la presse de l’époque n’avait pas hésité à surnommer la « Cité du douze mars ». Paradoxalement, l’arrivée de plusieurs grands formats provoqua l’échange et, en définitive, la perte d’un chef-d’oeuvre de la collection, le Christ en croix de Jacob Jordaens (1593-1678) dont les dimensions, trop importantes, n’autorisaient plus son exposition [5].
 

De nouveaux locaux en 1820

L’exiguïté du local des allées de Tourny amena du reste la Municipalité à organiser le transfert des collections dans l’aile nord du palais Rohan. Les travaux furent dirigés par Michel-Jules Bonfin (1768-1841), fils du précédent architecte municipal. L’ouverture effective des nouveaux espaces eut lieu à la fin de l’année 1820.
 

La collection Lacaze

Aussitôt installé, le musée connut une occasion unique d’enrichir son fonds. En effet, le marquis de Lacaze proposait en 1821 de céder à la Ville son importante collection de tableaux. De par ses anciennes fonctions de commissaire-ordonnateur des guerres, le marquis avait sillonné l’Europe et tout particulièrement l’Allemagne d’où il avait recueilli un ensemble d’œuvres de premier choix[6]. L’affaire traîna durant de nombreuses années mais connut enfin un heureux dénouement en 1829 grâce à l’appui décisif de Charles X[7]. Deux cent soixante-trois tableaux rejoignaient ainsi les collections du musée qui ne comptait jusqu’alors qu’à peine une centaine d’œuvres.
 

Les acquisitions du Second Empire et de la Troisième République

En comparaison, les décennies qui suivent jusqu’à l’avènement du Second Empire, apparaissent bien ternes. Fait notable, le développement d’une active Société des Amis des Arts à partir de 1850, permit à la Ville de procéder à des acquisitions brillantes d’artistes ayant acquis une ample reconnaissance officielle. Le Salon annuel qu’elle organisait vit, en effet, défiler toutes les « gloires » du Second Empire et de la Troisième République. Ont ainsi rejoint les collections du musée, non seulement la célébrissime Grèce sur les ruines de Missolonghi d’Eugène Delacroix en 1852 mais aussi le poétique et néanmoins monumental Bain de Diane de Camille Corot en 1858.
 
Ce fut aussi sous le Second Empire en 1855 qu’entra une autre œuvre majeure de Delacroix, La Chasse aux lions. Par ailleurs, le legs en 1861 par Lodi-Martin Duffour-Dubergier, ancien maire de Bordeaux, de trente-sept toiles vint compléter à nouveau le fonds de peinture ancienne.
 

Les incendies de 1862 et 1970 et la construction du musée

L’accroissement continu des collections posa avec une acuité renouvelée le problème des espaces disponibles. Eparpillées dans tout le palais Rohan, les œuvres souffraient de l’absence d’un lieu véritablement conçu pour les abriter. Un premier incendie, le 13 juin 1862, détruisit de nombreuses archives mais endommagea fort heureusement peu de toiles [8]. Cette première alerte ne fut hélas pas suivie d’un projet de construction rapide d’un nouveau musée. Autrement plus dramatique, un second incendie se déclara le 7 décembre 1870 et eut des conséquences gravissimes sur le fonds ancien. De nombreuses œuvres furent détériorées et plusieurs d’entre elles définitivement ruinées [9].
 
Ce sinistre permit, après d’ultimes hésitations sur l’emplacement du musée, de lancer un vaste chantier de construction aux abords immédiats du palais Rohan. L’architecte municipal, Charles Burguet (1821-1879), avait prévu l’édification de deux ailes, côté jardin, inscrites dans le prolongement du palais Rohan et qui auraient été reliées par une galerie. Craignant de fermer une perspective, la Ville ne retint que la construction des deux ailes qui abritent, aujourd’hui encore, preuves de la remarquable qualité de leur conception, les collections du musée des Beaux-Arts. On ne saurait du reste, assez louer la mesure et l’élégance rares de ces deux bâtiments qui confirment les références historicistes propres aux constructions de musées en France au XIXe siècle. L’imprégnation du style Louis XVI est si subtile qu’elle permet ici une parfaite osmose avec l’environnement urbain du palais Rohan et des hôtels de Poissac et de Basquiat.
 
L’intérieur, dans un esprit de pompe cher à la IIIe République, avait reçu un décor digne d’un palais bourgeois avec ses épaisses moulures richement ornées, sa verrière au dessin élégant, son parquet en point de Hongrie et ses lourdes tentures de velours cramoisi occultant la lumière de larges fenêtres [10].
 

Un établissement de référence

Le musée ne rencontra pas de bouleversements majeurs entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle. Une politique d’achats réguliers mais sans éclat prolongea la veine du réalisme et de l’académisme [11]. Elle connut son couronnement avec le dépôt par l’Etat en 1933 du chef-d’œuvre d’Henri Gervex, Rolla. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, une vaste campagne de récolement aboutit à la réorganisation des collections dont une partie échut au musée des Arts Décoratifs et au musée d’Aquitaine. Conforté dans sa spécificité « beaux-arts », le musée devint alors l’établissement de référence pour l’art européen du XVIe au XXe siècle dans le grand Sud-Ouest.
 

Les acquisitions des conservateurs Jean-Gabriel Lemoine et Gilberte Martin-Méry

Fin connaisseur de l’art moderne, Jean-Gabriel Lemoine (1886-1953) initia dès l’avant-guerre une politique d’acquisition clairvoyante. Il favorisa notamment, l’entrée d’artistes importants, originaires de Bordeaux ou liés à l’Aquitaine.
 
Des œuvres majeures d’Odilon Redon, Albert Marquet, André Lhote ou Roger Bissière rejoignirent ainsi les cimaises du musée [12]. Gilberte Martin-Méry (1917- 2005) a poursuivi avec brio cette orientation en privilégiant tout particulièrement Albert Marquet et André Lhote pour la peinture, ou Robert Wlérick pour la sculpture [13]. On lui doit également d’avoir su profiter d’heureuses opportunités pour la peinture ancienne en développant le fonds caravagesque, mais aussi un embryon d’œuvres d’artistes d’Outre-Manche. Par ailleurs, l’Etat a accompagné cette politique volontaire en favorisant de nombreux dépôts dont l’un des plus récents, en 1991, a permis l’exposition d’une toile remarquable de Pablo Picasso, Olga lisant.
 

Des années 1970 à aujourd'hui

Depuis, l’ensemble des conservateurs qui se sont succédé ont eu à cœur de conforter cette double inclination en maintenant cet équilibre délicat entre le nécessaire enrichissement des collections de peintures ancienne et une attention soutenue à l’art du XXe siècle. Il faut souligner que de nombreux dons ont par ailleurs permis de fortifier les collections que ce soit ceux de Jean-René Tauzin (1971), Robert Coustet (donateur régulier depuis 1981), René Domergue (1983), Jeanne Schnegg (1984-1985), Henriette et Georgette Dauzats (1985) ou, plus récemment, de Jean-Pierre Moueix (2006) et Daniel Thierry (2010).
 
A ces libéralités, s’ajoute l’efficace soutien de la Société des Amis des Musées [14] qui a su compléter les collections par de judicieux achats. Soulignons enfin le concours financier régulier de l’Etat et de la Région Aquitaine depuis 1982 qui a permis d’encourager la politique d’acquisition du musée[15].
 
Etablissement de référence, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux a bénéficié récemment d’un important réaccrochage de ses collections, prélude à un plus ample réaménagement de ses espaces d’exposition qui devrait être achevé en 2013.
 
Guillaume Ambroise
"Avant Propos" in Guide des collections XVIème-XXème siècle, éditions Le Festin, 2010. Bordeaux.
 
 
1. L’une des toutes premières toiles à rejoindre les collections du musée est une œuvre de Jean-Joseph Taillasson, Le tombeau d’Elysée, que le peintre avait présentée à l’Académie de Bordeaux en 1774 comme morceau de réception. Les deux sculptures comprenaient une œuvre exceptionnelle, le Buste du Cardinal de Sourdis réalisé vers 1621 par le Bernin pour le commanditaire de la chartreuse. Cette œuvre est aujourd’hui présentée au sein des collections du musée d’Aquitaine.
2. Qu’il suffise de citer le Tarquin et Lucrèce de Titien, La Vierge et l’enfant Jésus de Pierre de Cortone, Le Martyre de saint Georges de Rubens ou La présentation de Jésus au Temple de Jean Restout.
3. Le musée lui doit notamment de conserver aujourd’hui deux œuvres, Vénus sur les eaux et Vénus et Adonis, d’un artiste particulièrement rare dans les collections publiques françaises, Johann Zoffany.
4. Cet ouvrage nous renseigne également sur les horaires d’ouverture. On y découvre sans surprise que le musée est avant tout un lieu destiné aux artistes désireux de s’exercer à la copie. Seul le dimanche est réservé à l’accueil du public de 10h à 15h.
5. Cette œuvre, qui est une saisie révolutionnaire de 1794, provient de la ville de Lierre tout comme Le Martyre de Saint Georges de Rubens exposé au musée. Ce Jordaens, essentiel et qui manque cruellement à nos collections, est, depuis 1819, présenté en la cathédrale Saint-André. Il n’est pas interdit de songer à un nouvel échange qui permettrait à ce tableau de retrouver les cimaises du musée qu’il n’aurait jamais dû quitter.
6. Parmi les toiles les plus remarquables, on citera notamment La Dispute de philosophes et La Dispute de théologiens de Luca Giordano, l’Eliezer et Rebecca de Giambattista Pittoni, Un chanteur s’accompagnant au luth d’Hendrick Ter Brugghen ou bien encore Le Chêne foudroyé de Jan Josephsz Van Goyen.
7. Le marquis de Lacaze demandait à l’origine 80 000 francs pour l’achat de sa collection. Le montant fut négocié et ramené à la somme de 60 000 francs dont les deux tiers furent payés par l’Etat. Cet achat remarquable ne coûta en définitive que 20 000 francs à la Ville.
8. Les deux œuvres de Giordano, La Dispute des philosophes et La Dispute des théologiens furent de celles qui eurent à souffrir de l’incendie de 1862.
9. Seize tableaux étaient ainsi complètement anéantis dont L’Assomption de la Vierge de Jacob Bunel, Saint Bernard recevant de la Vierge la règle de l’abbaye de Clairvaux du Guerchin, L’Adoration des bergers de Gaspard de Crayer, Hercule et Omphale de Luca Giordano ou encore La Chasse aux lions de l’atelier de Rubens.
10. Tout ce faste et cet apparat ont hélas disparu lors de réaménagements radicaux entrepris dans le courant des années 1950.
11. Pour ne retenir qu’un exemple, le musée acquiert plusieurs œuvres d’Alfred Roll, en 1886, en 1889 et encore en 1906.
12. Par exemple, le célèbre Char d’Apollon d’Odilon Redon est acquis en 1953 ou le Nu à contre-jour d’Albert Marquet en 1955.
13. Pour la seule année 1960, ce ne sont pas moins de soixante dix œuvres d’Albert Marquet qui entrent dans les collections grâce notamment au don très important de Marcelle Marquet.
14. Citons notamment le don en 1998 d’une très rare toile de Georges Dorignac, Femme nue, ou plus récemment en 2009 un Portrait de femme par Théo Van Rysselberghe.
15. Parmi les nombreux chefs-d’œuvre entrés dans les collections grâce au F.R.A.M. Aquitaine, retenons en particulier le David tenant la tête de Goliath d’Aubin Vouet ou encore L’Eglise Notre-Dame à Bordeaux d’Oskar Kokoschka.
Imagen del "Salon des amis des arts de Bordeaux", óleo sobre lienzo, Casimir Victor Paul, 1890, colección particular.

"Salon des amis des arts de Bordeaux", óleo sobre lienzo, Casimir Victor Paul, 1890, colección particular.