Don de la Société des Amis du musée des Beaux-Arts de Bordeaux - Karel Philips Spierincks - Le Triomphe de Silène

Spierincks Karel Philips, dit Carlo Filippo Fiammingo, attribué à, (Bruxelles, vers 1600 – Rome, 1639)

Le Triomphe de Silène

Vers 1630
Huile sur toile, 101 x 124 cm

Né à Bruxelles vers 1600, Karel Philips Spierincks fut présent dès 1624 à Rome. Peu de temps après son installation, le peintre fit la connaissance de François du Quesnoy. Le sculpteur flamand et ami de Nicolas Poussin vivait à Rome depuis 1618. Pendant presque dix ans, de 1630 et jusqu’à sa mort en 1639, Spierincks devint le colocataire de Du Quesnoy – dans une maison qu’occupait précédemment Poussin avec le sculpteur –, située strada Vittoria dans la paroisse de San Lorenzo in Lucina. Ce quartier, largement peuplé par des artistes européens expatriés, fut un véritable laboratoire d’échanges artistiques où étaient abordés tant les savoirs historiques que la théorie de l’art.

Le Triomphe de Silène est le reflet du foisonnement culturel des années 1630 à Rome. Renouant avec les bacchanales de l’Antiquité et de la Renaissance, l’œuvre met en scène Silène, père spirituel et nourricier de Bacchus. Fidèle aux descriptions des sources écrites, la divinité est figurée ventrue et enivrée, hissée sur son fidèle âne. Il est soutenu dans son ivresse par une figure à cornes évoquant Pan et un faune qui initie un enfant-satyre aux bonheurs du vin. Ce groupe central, éclairé par une lumière crépusculaire qui pénètre l’ombre des bosquets d’un paysage verdoyant, est suivi d’un cortège dionysiaque composé de ménades et de satyres qui avancent au son de la musique de leurs divers instruments. Le premier faune du groupe brandit d’une main une couronne de lierre dédiée à Silène victorieux et de l’autre, charme une jeune femme tenant dans les plis de sa robe du raisin. En bas à droite, d’autres enfants satyres et des putti participent aux festivités et s’amusent du bonheur régnant, alors que d’autres dorment, épuisés par tant de réjouissances.

Karl Philips Spierincks traita ce thème à plusieurs reprises dans sa carrière (Silène ivre et endormi, attaché par la nymphe Eglé et des putti, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique ou encore Paysage avec Bacchus, Silène et Pan, collection privée, anciennes collections du Marquis de Northampton). On retrouve dans ces peintures la finesse du dessin des figures bacchiques ou encore la délicatesse des détails végétaux. Les guirlandes de lierre encerclant les enfants-satyres sont d’ailleurs considérées comme une forme de signature de l’artiste. Le traitement des enfants atteste de l’étroite collaboration avec François du Quesnoy alors que les faunes semblent fortement inspirés de la figure de Bacchus dans La Fête de Bacchus, dite la Grande bacchanale de Nicolas Poussin (Paris, musée du Louvre, 1627).

Si la figure de la divinité dans Le Triomphe de Silène va à l’encontre du « Beau idéal » célébré par Bellori dans ses Vies d’artistes, cette composition en frise mettant en scène ces treize figures en mouvement demeure fidèle aux préoccupations intellectuelles des artistes basés à Rome durant la première moitié du siècle. La rhétorique des gestes convergeant vers le groupe central, l’expression des affetti et le respect du décorum avec la savante référence à la sculpture antique offrent une peinture lisible, conforme aux préceptes prodigués par Nicolas Poussin et connus de son cercle intime.

 Karel Philips Spierincks, <i>Le Triomphe de Silène</i> © Musée des Beaux-Arts

Karel Philips Spierincks, Le Triomphe de Silène © Musée des Beaux-Arts