Suzanne MARTIN, une créatrice touche-à-tout

Suzanne MARTIN (1926–2004) s’inscrit parmi les artistes peintres et collectionneuses les plus influentes de la seconde moitié du 20e siècle. Elle est présentée dans l’exposition Elles sortent de leur(s) réserve(s) grâce à cinq de ses créations et deux œuvres issues du legs de sa collection au musée, en 2004. 

 

    
Suzanne MARTIN (1926–2004)
Grand masque coloré à plumes et à cornes
Vers 1970
Papier mâché peint, avec collages de filets en cordelettes et de plumes
Legs Suzanne Martin, 2004
Suzanne MARTIN (1926–2004)
Ville Labyrinthe
Huile sur toile
Achat de la Ville, 1971
Suzanne MARTIN (1926–2004)
Femme assise, la tête posée sur les genoux
Vers 1970
Encre de Chine et lavis avec rehauts de gouache blanche sur papier
Legs Suzanne Martin, 2004

De Bordeaux à Paris

L’artiste naît à Bordeaux, rue des Vivants dans le quartier Bastide, en 1926. La guerre l’aide à fuir ce milieu ouvrier qui ne lui convenait guère. Elle quitte donc son port natal, dans le plus grand dénuement moral et matériel. Elle se reconstruit, d'abord en écrivant, puis en peignant et en sculptant.  Suzanne Martin se décrit comme écrivain, « totemeuse », décoratrice de théâtre, et peintre. Elle quitte Bordeaux à l’âge de 20 ans pour s’inscrire à l’atelier libre de la Grande Chaumière (1949-1951) à Paris, puis présente ses œuvres dans diverses expositions parisiennes, où elle fréquente les grands artistes de l’époque : Picasso (1881-1973), Cocteau (1889-1963), Tàpies (1923-2012) et Nicolas de Staël (1914-1955).
 

Suzanne Martin écrivaine

Ecrivaine, Suzanne Martin connaît d’abord un grand succès littéraire. En 1958, elle publie son premier roman “Rue des Vivants” aux éditions Gallimard et obtient, l’année suivante, le prestigieux prix littéraire et artistique Félix Fénéon, en récompense de ses textes dans les Cahiers de la Nouvelle Revue française.
En 1961, l’artiste publie des textes sur la peinture pour le ministère de l’Éducation Nationale. Son deuxième roman “Chien de l’Aube” paraît en 1962 aux éditions Gallimard, à la suite d’une exposition de peintures qu’elle présente à la Galerie Mourgue à Paris.
 

Suzanne Martin artiste

Dotée d’une imagination sans limite, Suzanne Martin conçoit et confectionne de nombreux masques. Ces objets hybrides ont souvent été associés aux recherches du mouvement surréaliste. Fascinée par ces objets, elle crée ses premiers masques dès l’enfance, qu’elle nommera ses « idoles ». Souvent rattachés à l’idée du rituel et des traditions sacrées, ils sont, pour elle, symboles de force et d’universalité poétique. En 1960, l’artiste réalise une série de masques avec l’intention de « faire l’éloge du banal ». Ainsi, composées de plumes, de colle, d’acrylique, de vieux papiers, de morceaux métalliques, de fils de fer, de filasse, le tout rehaussé d’or et de peintures multicolores, ses créations métamorphosent l’ordinaire en chef-d’œuvre. Très attachée à l’idée combinatoire de la poésie et de l’art magique, Suzanne Martin trouve son inspiration dans les cultures africaines et océaniennes.
 

Inspirations et thèmes

Ses œuvres picturales aux couleurs vives offrent des points de lumière. Elle utilise parfois des pigments de couleurs broyés en poudre qu’elle étale directement sur la toile avec le pouce. Suzanne Martin décrit la peinture comme une nécessité vitale et une opération magique. L’artiste affectionne certains objets et thématiques tels que les fenêtres, les portes-fenêtres et la ville « labyrinthe ». Elle exploite chacun de ces thèmes jusqu’à l’obsession et révèle avec une intensité singulière l’angoisse et la fascination de la vie.
Si certaines de ses œuvres sont parfois associées au mouvement de l’orphisme (une forme de cubisme qui tend vers l'abstraction et dont les caractéristiques sont la lumière, les couleurs et les formes géométriques), la plupart oscillent entre figuration et abstraction.

Legs à sa ville natale

A la fin de sa vie, Suzanne Martin revient dans sa ville natale et s’y éteint en 2004. Elle lègue un grand nombre de ses œuvres et celles de sa collection personnelle, enrichissant les collections du musée des Beaux-Arts de Bordeaux. Dans l’exposition Elles sortent de leur(s) réserve(s), le musée consacre un mur entier à Suzanne Martin et ses amies peintres de l’abstraction, en hommage à son œuvre et à sa généreuse donation.

Figure incontournable de l’abstraction à Bordeaux, créatrice insatiable et collectionneuse passionnée, Suzanne Martin a marqué durablement les esprits.

 

Mur Suzanne Martin, exposition Elles sortent de leur(s) réserve(s), MusBA

Mur Suzanne Martin, exposition Elles sortent de leur(s) réserve(s), MusBA